Affaire Bonfanti : « Une satisfaction », pour le vice-président régional de l’association Assistance et Recherche de Personnes Disparues


18 mai 2022

Les cold cases passionnent, mais plongent aussi de nombreuses familles dans le doute et la souffrance.

L’association Assistance et Recherche de Personnes Disparues (ARPD) aide et travaille auprès des familles de personnes disparues depuis 2003. Une association qui s’appuie sur un réseau de 150 bénévoles partout en France. Quelques jours après l’incroyable rebondissement dans l’affaire Bonfanti (disparue en mai 1986 à Pontcharra), entretien avec Philippe Folletet, vice-président de l’antenne régionale de l’ARPD et ancien commissaire de police.

Le principal suspect dans l’affaire Marie-Thérèse Bonfanti a été interpellé et a reconnu l’avoir étranglé, 36 ans après la disparition de la jeune femme. Quelle a été votre réaction face à ce rebondissement ?

Pour la famille c’était un soulagement, pour nous c’était une satisfaction. On oublie souvent de dire que derrière toutes ces histoires criminelles il y a des familles et elles ont été laissées de côté pendant toutes ces années par les services officiels.

Quel a été le rôle de votre association dans ce dossier ?

Nous sommes le relais, les facilitateurs, les médiateurs de l’action des familles, vers des services officiels qui, dans ces circonstances, ont su faire ce qu’il fallait, mais ça n’aurait pas été le cas si nous n’avions pas été là. Concrètement, dans cette affaire, on a eu la chance d’avoir accès à la procédure et à un résumé complet, ce qui n’est pas toujours le cas. Nous avons été saisis et informés au mois de juillet 2019. Il fallait ensuite un certain temps avant de définir une stratégie, et savoir si le parquet allait se contenter de ce dossier, qu’il avait, ni plus ni moins, retoqué auparavant. Mais, il nous est apparu qu’il était plus judicieux de le laisser en l’état et de le transmettre, tel quel, à la justice.

Plus de trente ans sont passés donc. Est-ce la preuve que tout n’a pas été fait pour permettre la mise en examen d'Yves Chatain ces dernières années ? Ou alors, préférez-vous garder espoir et vous dire qu’il ne faut jamais abandonner dans ces affaires ?

Les deux. Des dossiers aussi anciens peuvent effectivement rebondir, ce qui est finalement assez surprenant lorsque l’on sait la manière dont sont détruits les dossiers de disparitions inquiétantes en général. Ils sont détruits trois ans après la fin de l’enquête, donc il n’y a plus de base de travail.

Dans ce dossier, le travail a été fait, mais certains choses ont été réalisées de manière superficielle. On ne doit pas nécessairement incriminer le manque de moyens technologiques, mais il y a d’abord le travail de base de certains enquêteurs. Et je peux vous dire, qu’à la lecture de certains PV d’audition de témoins très importants, leur contenu n’est pas très professionnel.

La question de la prescription des faits est évidemment au cœur de ce dossier. Sans trop entrer dans les détails juridiques, les faits pourraient être prescrits si l’enquête n’arrive pas à prouver l’infraction « d’enlèvement » et « séquestration » pour laquelle Yves Chatain est mis en examen. Il n’est donc pas certain qu’il soit jugé. Ce serait un échec pour la famille ?

Je pense, effectivement. On l’a déjà connu dans la région avec l’affaire Mohamed Abdelhadi (disparu en 2001 à Villefranche-sur-Saône dans le Rhône, ndlr). Mais, je crois, que la famille n’a pas de haine envers l’auteur des faits. L’essentiel pour ces personnes est que leur souffrance ait été reconnue. Thierry Bonfanti (l’époux de Marie-Thérèse Bonfanti, ndlr) a dit des mots très touchants : « J’étais en prison pendant 36 ans et j’en suis sorti. Lui va y rentrer ». C’est ce qu’il faut retenir. J’espère aussi que les restes de Marie-Thérèse Bonfanti vont être retrouvés pour lui permettre de lui offrir une sépulture digne.

D’autres affaires non élucidées existent dans la région et en Isère, et notamment dans le secteur de Pontcharra (Marie-Ange Billoud en 1985 ou encore Liliane Chevènement en 1981). Pour l’instant, ces dossiers n’ont pas été rouverts. Faudrait-il le faire, selon vous ?

Dans ces dossiers, le parquet est très prudent, mais il a tous les éléments nécessaires. Mais bien évidemment, la localisation de ces faits, la période qui est à peu près la même, les modes opératoires, tout ça fait me fait penser que ces dossiers vont être rouverts et qu’ils vont aboutir, vraisemblablement, à la mise en cause du suspect. Son ADN, mais aussi son parcours de vie vont, peut-être, aider à révéler d’autres affaires. Je suis très évasif car je n’ai aucun élément, mais je pense que ce dossier nous réserve encore des surprises.

Il y a quelques semaines, un pôle judiciaire dédié aux affaires non élucidées a été créé. C’est, on imagine, une grande satisfaction pour vous et votre association ?

Nous avons eu l’occasion d’échanger avec le procureur Jacques Dallest (procureur général de Grenoble, ndlr) qui est à l’origine de la création de ce dispositif à Nanterre. Ça va tout à fait dans le sens de nos propositions et de nos recommandations. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes une association d’aide aux familles de disparus, et cela couvre un spectre très large : les disparitions volontaires, à caractère suicidaire, accidentel ou encore criminel. Au départ nous ne le savons pas lorsque nous sommes saisis d’une affaire. Une chose est certaine, nous allons demander la mise en place d’Assises de la disparition. Pourquoi ? Par exemple, un phénomène comme les maladies dégénératives, entraîne un certain nombre d’actions des services officiels qui ont un coût, qui pourrait être largement diminué. Et c’est également le but de notre association.

Par Baptiste Berthelin