05 septembre 2022
C’est un procès historique qui va s’ouvrir.
Six ans après l’attentat de Nice, sept hommes et une femme comparaissent à partir de ce lundi 5 septembre devant la cour d’assises spéciale de Paris. Parmi eux, trois seront jugés pour association de malfaiteurs terroriste. Pour rappel, le 14 juillet 2016, quelques instants après le feu d’artifice, un camion a foncé sur la foule sur la promenade des Anglais. Au total, 86 personnes ont été tuées et des centaines ont été blessées. Le terroriste a, lui, été abattu le soir des faits.
Parmi les victimes, les parents de Mathieu Bousfiha, originaires de Beaucroissant. Ils étaient tous présents ce soir-là, ainsi que la sœur de Mathieu, au bord de la mer Méditerranée pour admirer le spectacle pyrotechnique. Avant l’ouverture de ce procès historique, le jeune homme, aujourd’hui âgé de 27 ans, s’est confié à Radio ISA.
C’est un procès très important qui débute ce lundi. Comment appréhendez-vous les semaines qui arrivent ?
On appréhende toujours un peu ce qu’il va arriver. Ce sera nouveau pour moi. Je me suis intéressé au procès des attentats de Paris, pour voir comment cela s’était déroulé. Maintenant, j’essaye de me mettre le moins de stress possible, mais, en même temps, j’arrive dans un monde inconnu. Je vais y aller petit à petit et voir comment cela va se passer.
Qu’attendez-vous de ce procès, six ans après ce tragique attentat ?
J’attends principalement une aide dans ma reconstruction personnelle. La « partie procès » en elle-même, je l’attends moins. J’attends vraiment cette aide. Je vais pouvoir rencontrer des gens, discuter avec eux, comprendre comment les autres victimes de cet attentat ont évolué et aussi évoquer ma situation.
Attendez-vous des explications sur ce qu’il s’est passé ce 14 juillet ?
Bien sûr. On a toujours quelques questions, mais ce n’est pas ma priorité. Au bout de six ans vous savez, on apprend à se reconstruire, à évoluer, à aller un peu mieux chaque jour et ces idées j’essaye de les mettre de côté même si mon interrogation principale reste de savoir comment on a pu en arriver là.
Dans ce drame, vous avez donc perdu vos parents. Comment avez-vous traversé ces dernières années ? Comment avez-vous entamé cette reconstruction personnelle et familiale ?
C’est un point difficile. Après cet attentat, on bascule dans un monde nouveau. Pour ma part, j’avais 20 ans. On débarque immédiatement dans une autre réalité. Dans les jours qui suivent, on se retrouve avec des gens dans des maisons d’aide aux victimes, avec des cris intenses, des gens qui pleurent… Il faut se plonger également dans la partie administrative. On a perdu nos deux parents ce qui implique énormément de choses : une succession, un héritage, les assurances…. Tout cela, sachant que j’avais 20 ans et que j’allais débuter ma deuxième année d’ingénieur à Angers. Cette reconstruction ne se fait pas automatiquement, elle se fait petit à petit, très difficilement. J’ai vraiment basculé dans une autre dimension.
Gardez-vous des traumatismes de cet attentat ?
J’ai un rapport spécial avec la ville de Nice. J’ai travaillé à Marseille, pour moi c’est impossible d’aller à Nice. J’ai aussi beaucoup de mal avec les événements festifs liés à des feux d’artifice, même une petite fête de quartier. A chaque fois que j’entends des feux d’artifice c’est très compliqué et il m’arrive de faire des crises de panique.
Ce moment judiciaire sera aussi symbolique, quelques semaines après la fin du procès des attentats de Paris. Attendez-vous que la justice soit exemplaire ?
On attend forcément une justice. Dans ce cas-là, pour une grande majorité des personnes, c’est un rendez-vous très important. On attend des explications claires et nettes sur ce qu’il s’est passé. On espère tous recevoir des réponses à nos questions. Mais ce qui est sûr, c’est que ce sera un nouveau procès historique pour la France.
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Stéphane Erbs, coprésident de l’association de victimes « Promenade des Anges » : « On se prépare à être déçu » Stéphane Erbs, originaire de Cessieu, était avec sa femme et ses enfants sur la promenade des Anglais le 14 juillet 2016. Sa compagne a perdu la vie lors de cette tragique soirée et lui a gravement été blessé. Aujourd’hui, il est le coprésident de l’association de victimes « Promenade des Anges ». « On attend une grosse part de vérité principalement. Il y a pas mal de zones d’ombre qui subsistent. On souhaite comprendre la genèse de l’attentat, comment toutes les chaînes de complicité se sont organisées, comment s’est organisé l’auteur… Donc oui, on espère avoir la vérité, mais on se prépare aussi, et c’est paradoxal, à être déçu. Avec les qualifications retenues, les accusés n’encourent pas de peines très importantes. Et puis à titre personnel, j’ai hâte de voir la vidéo, le déroulé, le parcours du camion… C’est nécessaire pour faire le deuil, pour tourner la page, sur ce chemin de la résilience ». |
A noter que, pour l’instant, 865 parties civiles ont été recensées. Ce procès doit se terminer le 16 décembre.
Par Baptiste Berthelin
Crédit photo : Facebook association Promenade des Anges